vendredi 4 avril 2008

le côté obscur de Jean Barbe


Jean Barbe est d'abord, pour moi, un brillant chroniqueur radio. Je ne manque jamais le rendez-vous du samedi sur Radio-Can où je l'entends raconter les difficultés qu'il a à écrire ses romans. Alors, finalement, je me suis décidée à en ouvrir un. Le plus connu, tant qu'à faire, et qui rejoint mes préoccupations: Comment devenir un monstre.

Le roman pose d'emblée LE problème intéressant et ambigu à aborder quand on prend pour personnage principal un bourreau: quelle différence essentielle y-a-t-il entre un homme ordinaire et celui qu'on appelle, pour bien se rassurer et se dire qu'il n'est pas comme nous, "un monstre". Jean Barbe a l'honnêteté intellectuelle de ne pas faire semblant de découvrir progressivement qu'il n'y en a pas d'évidente. Il évoque à plusieurs reprises, à mots couverts, la théorie des "hommes ordinaires", élaborée par Browning à propos des nazis.
Un homme ordinaire, "le monstre" qui a commis un crime si horrible que l'on met 400pages à le découvrir? Bien que le postulat de base du roman soit très prometteur, et engage l'auteur à faire preuve de nuance dans le portrait qu'il fait de ses personnages ("le monstre" et son avocat, homme banal qui représente l'échelle de la normalité au coeur d'une foule de personnages secondaires tous plus ou moins louches). Mais, malgré tout l'art de Jean Barbe, qui réussit à captiver le lecteur dans un récit qui n'a pas de passage à vide, on reste tout de même un peu sur sa faim. Pas de révélation sur l'âme humaine dans ce tableau de l'horreur, finalement asez convenu. De grandes questions - le remords, la monstruosité, l'insuffisance de la justice - sont effleurées. Les passages tant attendus (le fameux crime du "monstre", la colère de l'avocat face au système corrompu) n'ont pas l'ampleur qu'on attendait.
Plus étrange, le style même des deux récits (celui de l'avocat et celui du "monstre") ne diffère en rien: langue soutenue, très improbable de la part du "monstre", récit très organisé qui ne fait aucune place à l'oralité que suppose le contexte, formules séduisantes et réflexions philosophiques chez l'un et l'autre, réunis finalement dans une commune indifférentiation.
Même si la conclusion du texte, excessivement morale et pleine de bons sentiments (oserais-je dire gnan gnan?) est digne des fins totalement artificielles des récits à la Barbey d'Aurevilly menacés par la censure, on se laisse porter par la plume élégante de l'auteur. C'est bien parce que c'est lui...

2 commentaires:

Julie Delporte a dit…

Moi j'avais bien aimé. J'ai le souvenir d'un univers à la fois étrange et familier, un espèce de monde intemporel, parallèle au notre.

jean barbe a dit…

je tenterai de faire mieux la prochaine fois...