mercredi 9 avril 2008

Pas besoin de s'excuser


Les insolentes éditions de Ta Mère, créées par trois ex-camarades de lycée réunis par la volonté de publier « de la littérature que ne sent pas toujours la rose », se donnent comme mandat d’être libres d’exprimer ce qui ne l’a pas encore été, au besoin en transgressant allègrement les codes littéraires. Stéphane Ranger, ancien de l’Université de Montréal, publie pourtant son premier livre précédé de « plusieurs excuses », comme pour prévenir tout dérapage.


Et dérapage il y a, dans cet intrigant recueil de nouvelles où l’on se promène dans Montréal, souvent à vélo, avec différents points de vue qui ont pour point commun d’être notoirement à côté de la track. Dès les premiers textes, pour diverses causes, les personnages sont confrontés à d’étonnantes défaillances de sens et de la raison. Les personnages s’échappent du réel normé comme on s’excuse de fuir une soirée où l’on n’est pas à l’aise. Perte de repères remarquablement rendue par une écriture riche, colorée, précise, expressive, insolite. On est plongé dans la perception faussée des narrateurs de « La folle entreprise », « Courte vue », ou « Pièce magique ».


Derrière ses personnages, l’auteur espiègle s’essaie à quelques aventures d’écriture : ne voulant pas imposer sa morale, ni être trop pris au sérieux, il renvoie la lecteur-analyste à lui-même à la fin de « Courte vue » : « Ah ! Mon ami. Mon ami, mon ami. Je t’ai déjà dit que tu penses tout le temps un peu trop ? ». Pas inaccessible pour autant, il descend de son piédestal pour une dernière et troublante nouvelle, « la meilleure blonde », sans jeu de mot. « Oublions ce livre - c’est l’auteur qui parle, c’est-à-dire moi, autant que possible. Il n’y a pas de filles dans ce que j’écris parce qu’il en manque présentement dans ma vie. » Dans ce dernier texte d’une troublante authenticité au goût de jamais-lu, Stéphane Ranger semble s’excuser de nous avoir promené pendant une centaine de pages d’histoire improbable en délire farfelu. On le rassure sans ambiguïté : il a sa place dans le paysage littéraire de Montréal.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'adore les nouvelles, j'adore le farfelu, l'insolite et le dérangeant... et je suis très frustrée du coup, parce que je doute qu'on trouve ce livre en France.

Donc, je vais devoir attendre que tu le ramènes dans tes bagages.

Tu reviens quand, sinon ? ^^

(et oui, je commente avec trois semaines de retard si je veux)