jeudi 5 juin 2008

L'espèce fabulatrice


Le tout dernier essai de Nancy Huston était très attendu - par moi, en tout cas: elle le présentait (sur Radio-Canada, dans un dialogue avec Suzanne Jacob)comme un prolongement de sa réflexion développée dans Lignes de Faille - que je tiens pour son chef d'oeuvre. Lors de son intervention au festival Métropolis Bleu, à Montréal, début mai, elle en dévoilait quelques idées lumineuses.

L'espece fabulatrice - titre séduisant quoiqu'un peu grandiloquent - formule ce que Lignes de faille avait retracé sur 4 générations d'une famille juive: que les identités sont des constuctions, de bout en bout fictionnelles - ce qui ne veut pas (forcément) dire mensongères (malheureusement Nancy Huston n'aborde pas vraiment cette question du mensonge). Elle démonte de façon très convaincante et illustrée comment chaque donnée de notre identité - nom, prénom, date et lieu de naissance, religion, nationalité, etc... - est, précisément, "donnée" avec un Sens, une histoire, une fiction qui enveloppe nos vies.

Cet essai se lit probablement aussi vite qu'il a été écrit - publié quelques mois à peine après son dernier livre - on est déçu de comprendre au bout du premier chapitre que l'auteure n'ira pas beaucoup plus loin que son intuition initiale. On la sent parfois proche d'un Clément Rosset (Le Réel et son double, lumineux pour qui s'interesse à ces questions) mais qu'elle ne semble pas avoir lu - en tout cas elle ne le cite pas.

L'un contre l'autre, il vaut mille fois mieux lire Lignes de Faille que l'Espèce fabulatrice, tant la confrontation de ces deux livres, sur le même thème, montre la subtilité et le talent de la romancière par rapport à l'essayiste, souvent superficielle et étonnamment naïve (malheureusement il nest pas certain que les romans suffiront à guérir l'humanité!).

J'en reste donc à conseiller très vivement le roman, gardant l'essai pour les passionnés de la petite musique de Huston, en attendant la suite...

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